“S’ennuyer à mourir, “tuer le temps”… Il peut arriver de s’ennuyer dans le travail mais quand cela devient chronique, le bore-out peut survenir et provoquer une grande souffrance chez l’individu qui en est la victime.

Phénomène moins médiatisé que le burn-out, les conséquences de l’absence de travail prolongé sont pourtant tout aussi délétères. Quand il y a un déséquilibre entre le temps passé au travail, la stimulation intellectuelle et le sentiment d’utilité, les sphères affectives, cognitives et comportementales de l’individu se trouvent mises à mal.

Entretien avec Claire Petin, psychologue clinicienne et psychothérapeute à Paris

Bore-out : symptômes, définition et solutions

Découvrez nos compléments Super Woman

Découvrir SuperWoman

1. Quel est le rôle d'un psychologue clinicien ?

“Psychologue clinicienne et psychothérapeute, je reçois à mon cabinet des patients adultes pour des consultations individuelles ou en couple, ponctuelles ou régulières. J’interviens autour des problématiques liées aux difficultés de la vie personnelle ou professionnelle. Au fil de ma pratique, de mes rencontres et en m’appuyant sur mes expériences personnelles et professionnelles (j’ai travaillé dans le marketing et la communication), c’est tout naturellement que je me suis orientée vers les problématiques liées au travail.

Avec comme outil la parole et comme méthode l’analyse de ce qui est communiqué en séance, il s’agit de repérer des signes et faire émerger certaines dynamiques inconscientes à l’œuvre qui maintiennent le patient dans un état de souffrance psychique et l’accompagner dans la compréhension de ses symptômes.

Je dis toujours qu’il ne s’agit pas de faire changer le patient mais de lui permettre de s’apprivoiser.”

De l'anglais
"to bore" : ennuyer, le "-out" a été rajouté par analogie
au burn-out.

2. Le bore-out, qu'est-ce que c'est ?

“Le bore-out ou syndrome d’épuisement professionnel par l’ennui est la phase finale du processus de stress lié à l’ennui chronique au travail.

De l’anglais “to bore” : ennuyer, le -out a été rajouté par analogie au burn-out. Ce syndrome a été conceptualisé en 2007 par deux consultants suisses en management, Peter Werder et Philippe Rothlin.

À ce jour, le bore-out n’est pas reconnu comme une maladie. Cela étant dit, d’un point de vue réglementaire, il est reconnu que “Si l’ennui au travail résulte d’une « mise au placard » délibérée, constitutive d’un harcèlement moral, la réglementation particulière en matière d’interdiction et de prévention de ces agissements hostiles s’applique (articles L. 1152-1 et suivants du Code du travail).”

Un même syndrome d’épuisement professionnel,
mais des causes differentes

Burn-out = surchage de travail
Bore-out = sous-charge de travail

3. Burn-out et bore-out : quelle différence ?

“Si les deux syndromes présentent une symptomatologie similaire, leurs causes diffèrent. Le burn-out est un syndrome d’épuisement professionnel par une surcharge de travail. Le bore-out est un syndrome d’épuisement professionnel par une sous-charge de travail.”

Signes

  • Ennui, lassitude
  • Anxiété

4. Bore-out : les symptômes

“À cause de cette usure par l’ennui et ce manque de stimulation psychique et physique, le salarié se lasse et se déprime et cela a des conséquences sur sa santé physique et mentale. Une étude a montré que les salariés qui s’ennuient au travail ont 2,5 fois plus de risques de faire un AVC que ceux qui ont un emploi stimulant (étude réalisée en 2010 en Angleterre portant sur 7500 employés du service public). Par ailleurs, parce que le stress a pour effet d’affaiblir le système immunitaire, le développement de certaines pathologies peut advenir.

Troubles anxieux, dépression… le bore-out provoque une “dévitalisation” de l’individu. Au travail, on constate un ralentissement des tâches (celles-ci sont étirées dans le temps), un désengagement, une baisse des performances, de l’absentéisme et un repli sur soi. Une paralysie motivationnelle maintient le salarié dans une forme d’inertie par l’attente d’un changement venant de l’extérieur : il s’est enlisé dans l’épuisement par l’ennui.

Le bore-out s’installe de manière insidieuse dans le temps et ses symptômes sont aussi bien psychiques que physiques et varient d’une personne à l’autre. Il est important de prêter attention à ses signes annonciateurs.

5. Quelles sont les causes du bore-out ?

Le bore-out peut survenir si, sur une longue période, le salarié est confronté à une sous-charge de travail, des activités répétitives, ennuyeuses et sans intérêt, associées à une perte de sens.

Selon l’INRS,(Institut national de recherche et de sécurité) il y aurait trois causes à l’origine du bore-out :

l’organisation du travail : la manière dont est répartie la charge de travail
le savoir-faire : l’adaptation des tâches confiées en fonction des compétences du salarié
les motivations : l’adéquation entre les aspirations du salarié et les réponses apportées à celles-ci par le travail.
Ces causes sont à mettre en relation avec l’histoire personnelle du salarié, ses valeurs, ses idéaux. Ainsi, les mêmes causes n’ont pas les mêmes effets en fonction des individus.

Le bore-out peut également être causé par une “mise au placard” : le poste est vidé de son contenu et le salarié est poussé vers la sortie.

6. Que faire en cas de bore-out ?

Par crainte du regard social et par honte, le salarié tente de cacher son état car même s’il s’ennuie, dans une société où le taux de chômage reste élevé et où l’identité professionnelle conditionne grandement l’insertion sociale, il ne se sent pas légitime à se plaindre de son ennui. Il n’est donc pas facile pour lui de parler de ce mal-être. Cette difficile communication renforce l’auto-jugement dépréciateur, la dévalorisation et le repli sur soi du salarié.

Il ne faut pourtant pas rester seul.e. et faire connaître sa situation.

Se confier à ses proches, solliciter sa hiérarchie, ses collègues, les ressources humaines afin d’agir sur l’amélioration des conditions de travail en essayant notamment de réorganiser le travail et de retrouver une stimulation intellectuelle.

Il est également recommandé de se faire accompagner par des professionnels de la santé que ce soit son médecin généraliste, du travail ou spécialiste de la santé mentale (psychologue, psychiatre). Un traitement médicamenteux, un soutien psychologique et/ou un arrêt de travail peuvent être nécessaires.

Si les conditions de travail ne s’améliorent pas, il peut être opportun d’envisager de changer de poste ou de penser à une reconversion professionnelle.

Il n’y a pas que le travail dans la vie et il est important de remettre en perspective la place de celui-ci et d’investir tout autant, si ce n’est plus, ce qui donne du sens à sa vie personnelle.

Merci à Claire Petin pour la rédaction de cet article. Psychologue clinicienne et psychothérapeute, elle exerce dans son cabinet à Paris dans le 15ème arrondissement.

Sources

Bataille S., « Le bore-out, nouveau risque psychosocial ?
Quand s’ennuyer au travail devient douloureux », INRS, 2016

Britton A., Shipley M.J. « Bored to death? », Int J Epidemiol,
2010, 39(2), p. 370-371.

LE BORE-OUT ou l’ennui au travail : démêler le vrai du faux,
Hygiène & Sécurité du travail, p.6-9, n°247, juin 2017

Rothlin P., Werder P. R., Diagnose Bore-out, Heidelber,
Redline-Wirtschaft, 2007

Votre expert

Claire Pétin
Psychologue clinicienne

Contact